Tiers-Lieux : entre rêves et réalités, une alternative à explorer

Tiers-Lieux, des alternatives à explorer

Ces nouvelles formes de travail et de création se développent, en secteur urbain comme en zone rurale. Quelles sont les spécificités des Tiers-Lieux ? Quelles opportunités peuvent-ils offrir aux entreprises culturelles ? Retours d’expériences en Nouvelle-Aquitaine.

Cette table ronde était animée par Mélissa Gentile, facilitatrice du Quartier Génial et responsable partenariats à La Coopérative des Tiers-Lieux 1.

MUTUALISER, DÉCLOISONNER

Les Tiers-Lieux, ou « Third-Place », ont été conceptualisés par le sociologue américain Ray Oldenburg qui observait à Central Park des pratiques spontanées créant du lien social entre domicile et travail. Également inspirés des friches artistiques, les Tiers-Lieux désignent tous les espaces où s’inventent de nouvelles formes de coopération et de mutualisation. Les premiers émergent à la fin des années 2000, dans un contexte de crise où d’autres manières d’entreprendre voient le jour. Regroupement d’indépendants, salariés d’entreprises en télétravail, coopératives d’artisans ou d’agriculteurs… Les Tiers-Lieux se caractérisent par un partage de moyens et de compétences, avec pour certains un rôle d’animation du territoire qui peut amener des aides financières.
192 Tiers-Lieux sont recensés en Nouvelle-Aquitaine, dont 42% intègrent une offre culturelle. Pour autant, leur définition échappe à une labellisation qui « enfermerait leur richesse », indique Mélissa Gentile. « La première activité c’est l’échange. C’est dans les rencontres improbables que naissent les projets, les synergies.»

DU LIEN SOCIAL, UNE ÉTHIQUE

Quelle que soit leur origine, les Tiers-Lieux répondent souvent à un manque au départ. « On ne vient pas d’une commande, tout s’est fait à partir des associations locales », explique ainsi Raphaël Vernat, coordinateur du Café de l’Espace à Flayat, en Creuse. Venu remplacer l’ancien café du village, ce Tiers-Lieu propose toute l’année des concerts, des ateliers, ainsi qu’un espace de travail partagé et un point connecté pour accompagner les habitants sur les usages du numérique. La dimension collective est essentielle, avec une forte implication des bénévoles et des salariés de l’association. Les usagers du café sont des « consomm’acteurs », souligne Raphaël Vernat, reprenant ce terme de l’économie sociale et solidaire. Chacun est invité à apporter ses idées, des gens de tous âges et de toutes catégories sociales se croisent… « Peu importe ce que l’on fait, le plus important est de savoir quelles valeurs et quelle éthique on met dedans.»

UNE COMMUNAUTÉ D’USAGES

Pour Manu Ragot, co-fondateur du Container à Angresse, dans les Landes, l’idée de créer un lieu est arrivée à un moment de questionnement sur son métier : la production artistique, l’accompagnement de projets, dans un contexte toujours plus complexe de financements et de dispositifs… Un ancien entrepôt dans la zone d’activités d’un petit village a été le point de départ de rencontres spontanées : des artistes du spectacle vivant (la compagnie de danse Androphyne), des charpentiers, un studio d’enregistrement, un artisan fabriquant des planches de surf… « Nous avions parfois plus de points communs avec nos voisins d’entrepôt qu’avec nos pairs du métier », raconte ainsi Manu Ragot. Une communauté de 40 usagers s’est créée avec également l’accueil du public pour des spectacles, des rencontres, une épicerie bio nomade… Le Container s’autofinance et sollicite des subventions pour des actions ponctuelles telles qu’un festival ou une résidence d’artiste.

TRANSMETTRE DE LA CONFIANCE

La complémentarité est aussi une des valeurs des Usines Nouvelles à Ligugé, près de Poitiers. Cette ancienne friche industrielle regroupe une quinzaine de structures évoluant dans l’artisanat, la création artistique, l’environnement… Un FabLab de production en 3D est accessible, avec des sessions de formation. Le site des usines accueille également des résidences d’artistes, des jardins familiaux ou des tournages… « Nous voulons être pragmatiques, exigeants et ouverts aux habitants de notre territoire », explique Cyril Chessé, co-créateur du lieu. La réhabilitation a été réalisée et financée par les fondateurs et une association de cinq salariés pilote le projet actuel. Une gouvernance collective définit une programmation correspondant à la diversité des résidents. « Les Tiers-Lieux sont faits pour accueillir les projets, c’est un besoin aujourd’hui », observe Cyril Chessé. « Nous espérons aussi transmettre de la confiance à ceux qui veulent se lancer. »

1. Voir sur le site la cartographie et l’annuaire des Tiers-Lieux de Nouvelle-Aquitaine : https://coop.tierslieux.net/

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Benoît Hermet

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